L’Assurance Maladie a détaillé son action pour les prochaines années. La lutte contre la fraude, et notamment la fraude commise par les professionnels de santé, redevient un axe prioritaire pour la CNAM. Les kinés libéraux doivent-ils craindre un tel affichage ?
L’assurance Maladie et son ambition de lutter plus efficacement contre la fraude
Ces deux dernières années, l’Assurance Maladie s’est largement concentrée sur la gestion de la pandémie. Le Covid-19 a mobilisé tous les agents de l’autorité publique, qui ont dû prendre en charge de nouvelles missions pour endiguer la propagation du virus notamment. C’est cette explication que le directeur général de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM), M Thierry Fatôme, a donnée pour justifier du recul de l’activité du service chargé de la lutte anti-fraude en 2020 et en 2021. Ces agents de la Cnam, chargés du contrôle des kinés libéraux notamment, ont été redéployés pour faire face aux urgences. Mais la situation de crise est terminée, et l’organisation de ces services a été revue pour les rendre plus efficients. Dans sa conférence de presse du 30 septembre dernier, dont le but était de présenter le PLFSS 2023 (Projet de loi de Financement de la Sécurité Sociale), M Fatôme a insisté sur la nécessité de redoubler d’efforts en la matière, alors que le déficit de l’Assurance Maladie bat des records. Il a ainsi pu rappeler que depuis 2012, ce sont près de 2.2 milliards d’euros qui ont ainsi été « épargnés ». Il a également rappelé qu’en 2019, les services en charge de ce dossier avaient permis d’éviter de perdre 290 millions d’euros de préjudice mais aussi de « récupérer » 30 millions d’euros de sanction. Et les ambitions en la matière sont encore plus fortes, puisque la CNAM affiche sa volonté de récupérer 500 millions d’euros à l’horizon 2024 (contre 220 millions pour l’année 2021).
Les kinés libéraux et les professionnels de santé doivent-ils s’inquiéter de ce plan anti-fraude ?
Pour parvenir à ses fins, la Caisse Nationale d’Assurance Maladie compte en partie sur l’intelligence artificielle pour soutenir le travail des agents chargés des contrôles. Cibler plus efficacement les professionnels libéraux de santé constitue en effet une des pistes retenues pour les années à venir. Car pour l’Assurance Maladie, il ne fait pas de doute, que les contrôles doivent avant tout être orientés vers les professionnels plutôt que vers les patients. Selon les analyses présentées par M Fatôme, ce sont eux les principaux contributeurs de ces fraudes. Alors qu’un temps de concertation a été lancé le 3 octobre dernier, la CNAM a pu heurter ces professionnels de santé, en estimant que de 3 à 3.5 % des prescriptions des médecins généralistes pouvaient être considérées comme de la fraude. Les kinés libéraux, les infirmières et les autres professionnels libéraux de santé sont eux-aussi visés par un discours peu en phase avec le ton apaisé du CNR Santé.
Pour les soignants en général et pour les kinés libéraux en particulier, ce discours reste une stigmatisation intolérable, alors même que toutes et tous se sont efforcés de répondre aux attentes des pouvoirs publics pendant toute la durée de la crise sanitaire. Vouloir engager une « véritable concertation générale pour imaginer la santé de demain » d’un côté et afficher son ambition de cibler particulièrement les professionnels de santé en matière de lutte contre la fraude peut rendre le message peu audible et encore moins compréhensible. Si les kinés libéraux ne connaissent pas à cette heure le détail des initiatives qui seront prises dans les semaines à venir, ils ont découvert certaines idées qui pourraient bien se concrétiser à plus ou moins long terme. Ainsi, le contrôle à blanc, déjà testé pour les infirmières libérales s’installant, pourrait être étendu aux kinés libéraux, afin de permettre aux nouveaux installés de prendre « les bonnes habitudes ». Faut-il voir dans ces propos de l’Assurance Maladie une mise en cause indirecte des habitudes prises par les kinés libéraux déjà installés ? Toujours est-il, que ces questions risquent de tendre un peu plus les relations entre les professionnels de santé d’un côté et les autorités de tutelle de l’autre.
Que pensez-vous de cette ambition affichée de faire de la lutte contre la fraude un enjeu majeur et prioritaire ? Vous sentez-vous visés ou estimez-vous que la démarche est nécessaire ?
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