Pendant près de deux heures, le dernier numéro de Cash Investigation tente de comprendre la fraude à la sécurité sociale. Tous les professionnels libéraux de santé sont concernés, et il reste, après le visionnage de l’émission, une sensation de gêne et de malaise, qui n’épargne pas les kinés libéraux.
Les masseurs kinésithérapeutes libéraux ou hospitaliers s’efforcent, depuis plusieurs années, de mieux faire connaître leur profession aux yeux des patients. Ces efforts impliquent de multiples actions et se traduisent aussi parfois par des évolutions législatives, comme cela a pu être le cas, ces derniers mois, avec l’expérimentation de l’accès direct à la kinésithérapie sans passer par une visite d’un médecin généraliste au préalable. Se faire reconnaître comme un acteur essentiel dans le parcours de soins tout en se distinguant des chiropracteurs et ostéopathes fait partie des ambitions de la profession. Dans l’esprit populaire, les kinés libéraux s’imposent donc comme des professionnels de santé de confiance, sauf quand des enquêtes journalistiques jettent l’opprobre sur l’ensemble des professionnels de santé. C’est le ressenti d’une grande partie des soignants en général et des kinés libéraux en particulier après le visionnage du dernier numéro de Cash Investigation sur France 2 (Jeudi 08 décembre : Hold-Up sur la sécu : à qui profite la fraude ?
Les professionnels libéraux de santé, les principaux responsables de la fraude
Alors que le CNR Santé invite les professionnels de santé mais aussi les patients à s’interroger sur l’avenir de l’organisation de la santé en France, les journalistes d’investigation de la très polémique émission de télévision ont cherché à décortiquer un phénomène mettant en péril le modèle français : la fraude à la sécurité sociale. Et l’enquête journalistique sème le doute dans l’esprit des téléspectateurs. Le ton est donné dans le dossier de presse, publié par la chaîne de télévision avant même la diffusion de l’enquête :
« Vous pensez sûrement que ce sont les assurés les plus gros fraudeurs de la Sécurité sociale. Détrompez-vous. En 2021, selon les chiffres de l’Assurance Maladie, 72% du montant des fraudes détectés sont le fait des professionnels de santé »
L’enquête s’est donc attachée à comprendre comment les professionnels de santé pouvaient facturer des soins inutiles voire des soins jamais dispensés. Certes, les kinés libéraux ne sont pas directement visés par l’enquête, qui concentre une grande partie de sa durée aux centres dentaires et aux infirmiers libéraux. Les kinés libéraux sont cependant mis en avant, puisque décrits comme faisant partie du trio de tête des …plus grands fraudeurs à la sécurité sociale.
Il ne s’agit pas de remettre en cause la légitimité et encore moins l’utilité de ces enquêtes journalistiques, mais bien de s’interroger sur l’angle de vue adopté par Élise Lucet et ses collaborateurs. En effet, après le visionnage de l’émission, les professionnels de santé en général peuvent se sentir blessés et même stigmatisés. Les téléspectateurs, eux, découvrent comment il semble « facile » de frauder l’Assurance Maladie. Plus grave encore, ces téléspectateurs peuvent avoir l’impression que ces fraudes des professionnels de santé sont devenues courantes et banales. Les intervenants interrogés ont bien du mal à imposer une nécessaire relativisation du phénomène. Qu’il s’agisse de François Braun, Ministre de la Santé ou de Patrick Chamboredon, président de l’Ordre National des Infirmiers (ONI), ces invités ne peuvent que dénoncer ces fraudeurs sans réussir toutefois à mettre en avant l’exemplarité de la très grande majorité des professionnels de santé. Infirmiers ou kinés libéraux, les conséquences en termes d’image de marque sont dramatiques pour ces professionnels de santé, d’autant plus en ces temps difficiles pour la société (inflation, crise énergétique, menace de récession, …).
Avez-vous regardé ce numéro de Cash Investigation ? Estimez-vous que ces enquêtes journalistiques soient nécessaires et traitées avec sincérité, ou pensez-vous qu’elles soient néfastes à l’image des soignants eux-mêmes car trop « orientées » ?
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